mercredi 29 juin 2011

Oui ou Non pour le projet de la constitution au Maroc ? Ce que vous savez (ou pas) sur le projet.


Quand on lit les centaines d'articles qui parlent du projet de la constitution Marocaine, j'ai une impression que tout ce beau monde parle à partir de sentiments, d'histoire, de n'importe quoi (des fois)... Tout cela, dans un respect de leur droit à s'exprimer et d'être en désaccord avec ce texte.

Un référendum, c'est fait pour voter sur un texte constitutionnel, non pas pour une pratique antérieure du système ni quoi que ce soit d'autre.

La question qui se pose : Es-tu, citoyen Marocain, oui ou non, d'accord avec ce texte proposé pour devenir la loi suprême du Pays ?

Je partage avec vous mes commentaires sur le projet de la constitution.

Sur la méthodologie :


Certains demandent que la rédaction de la future constitution soit faite par une... assemblée constituante. Une sorte de commission élue par suffrage direct qui rédigera tout le texte.

Très bien, une bonne idée qui sonne en tous cas, assez bien. Tout en ne sachant pas si cette assemblée devrait ou non soumettre le texte à un référendum populaire.

Alors qu'en est-il du coté pratique ? Qui devront-être ces membres ?

Le plus souvent, ceux-là même qui demandent une constituante disent que les politiciens sont tous pourris. Que les voix (et les Marocains) s'achètent et se vendent.

Qui alors sortira gagnant dans les élections de la constituante ? Encore un ramassis de Moul Chekkara ? Pire encore, ils peuvent être loin d'une connaissance profonde de la rédaction constitutionnelle, cela si on suppose qu'ils ont un niveau d'études consistants.

Il restait alors un choix, celui d'une commission de rédaction désignée par le Roi. Une commission d'experts qui entend les attentes et propositions de toutes les représentativités sociales. Afin de lui donner plus de légitimité, il fallait associer les partis et les syndicats pour l'élaboration de ce texte.

Sauf que, et c'est là ce que je regrette dans la méthodologie, c'est que le "brouillon" initial du texte soit soumis au débat au niveau du parlement. Un débat qui pourrait donner plusieurs d'amendements et encore plus de légitimité au texte.

Certains diront que : "le parlement ? Ah non ! C'est des corrompus." Je dirai que le parlement a été élu par vote directe des Marocains. Avec un faible taux de participation -37%- certes, mais à partir de quel taux une élection devient démocratique ? 40 ? 50 ? 80% ?

Je regrette aussi le délai réduit entre le dépôt du texte et le référendum : 2 semaines, ce n'est pas suffisant pour amorcer un débat réel -avec plus de logique et moins de sentiments- sur un texte aussi vital.

La reconnaissance de l'Amazigh et de la langue/culture Hassani :


Quoi de plus normal que reconnaitre des langues ancestrales de notre pays. Leur intégration réelle n'est qu'une résultante logique de notre diversification culturelle. En plus, la langue Hassani (celle des Sahraouis) entérine une reconnaissance de la culture sahraouie. Un slogan qui a été souvent levé par le Polisario afin de dire que les Sahraouis vivent une discrimination au Maroc.

Article 15 : Les pétitions :


Cet article est quasi vide, néanmoins, il parle d'une chose qui pourrait être extra-ordinaire : la démocratie directe.

Si elle est appliquée telle qu'en Suisse par exemple, les électeurs pourront renvoyer un élu (parlementaire ou autres) de ses fonctions si ils le jugent incompétent par exemple en rassemblant un certain nombre de signatures des électeurs.

Un droit de rétro-action qui permet de garder une pression et un exercice démocratique continue dans le temps.

Le texte dit qu'une loi organique devrait éclaircir ce pouvoir populaire. Une loi votée par le parlement (Art. 86). Espérons que les parlementaires sauront être courageux pour remettre cette force aux mains de ceux qui les ont élus.

Le droit de vote, de représentativité des Marocains résidant à l'étranger et le droit de vote pour les étrangers résidant au Maroc pour les élections locales :


Ce droit était quasi inexistant auparavant. Les Marocains résidant à l'étranger n'avaient pas de droit de représentativité. Une sorte de demi-Marocains. Là, cette aberration devrait être levée (Article 18).

Les étrangers résidant au Maroc pourront participer aux élections locales si leur pays d'origine autorise aux Marocains le même droit. (Art. 30).

Cela permettra par exemple, aux nombreux Marocains d'Espagne d'avoir des représentants locaux puisque l'Espagne utilise le même principe de réciprocité.

Les droits humains et droits civils :


A quelques exceptions près, quasiment tout le monde applaudit le projet du texte qui renforce les droits humains et droits civils des Marocains.

La monarchie et le Gouvernement : Le Roi ne peut plus renvoyer le Premier ministre, seul le parlement peut le faire :


Une grande nouveauté.
Le Roi avait pleins pouvoirs sur le gouvernement auparavant.

Avec le nouveau texte le Roi se doit obligatoirement de choisir le chef du gouvernement du parti gagnant des élections parlementaires.

Quasiment, toutes les décisions (Dahir) prises par le Roi devront être signées en même temps par le chef du gouvernement (Art. 42).

Les rares exceptions qui existent, relèvent du domaine du religieux, militaire et surtout ou il y a impossibilité de faire signer un document par le chef de gouvernement.

Le chef du gouvernement a le droit de refuser de signer une décision royale, tout en sachant que le Roi n'a pas le droit de renvoyer le chef du gouvernement de ses fonctions.

Oui ! Le Roi n'a plus le droit de renvoyer le chef du gouvernement. Seul le parlement peut destituer le chef du gouvernement en votant une motion de censure ! 

Le Roi peut demander la dissolution du parlement (Art. 96 qui impose des règles strictes à cette possibilité) et à appeler les Marocains à voter pour de nouveaux parlementaires, et si le parti du chef du gouvernement gagne, ce dernier reste dans ses fonctions au moins durant une année (Art. 98).

La parole est donc aux mains du peuple, contrairement à ce que racontent certains.
D'autant plus que le dernier mot de la désignation du nouveau gouvernement est aux mains du parlement.

Si le Roi, après propositions du chef du gouvernement, nomme le gouvernement (comme c'est le cas en Espagne), ce gouvernement n'est effectif que si le parlement lui accorde sa confiance à travers un vote.

Donc que l'on mette un gouvernement de n'importe quoi, si le parlement dit non, ce gouvernement devrait être revu.

Je ne sais pas si le Roi, là aussi, peut ou pas renvoyer un membre du gouvernement sans l'approbation du chef du gouvernement (selon l'article 42), puisque le texte n'est pas précis à ce sujet.

Certains n'ont retenu de tout cela que le Roi "nomme" et qu'il préside le conseil des ministres. Une présidence qui n'implique en rien le gouvernement puisque ce dernier a pleins pouvoirs, y compris dans la désignation des directeurs, walis, gouverneurs...

Les discours du Roi :


(Art. 52) Le Roi peut adresser des messages au parlement. Des messages qui n'impliquent en Rien -là aussi- le parlement. Ces messages ne peuvent faire l'objet d'un débat au parlement (et seulement au parlement). Ces messages (y compris discours à la nation), et c'est là la nouveauté, peuvent être l'objet d'un débat publique hors-parlement.

Le Roi chef suprême des forces armées et Amir Al Mouminine :


Personnellement, je n'ai aucun problème avec ces deux dispositions. Le Roi est garant de la stabilité du Pays et doit donc garder ses prérogatives militaires et religieuses.

L'interdiction de la transhumance politique :


(Art. 61) Cette interdiction concerne seulement le parlement. Un parlementaire élu ne peut plus changer de groupe politique pendant l'exercice de ses fonctions.

J'aurai aimé que cela s'applique aussi aux élus locaux et régionaux.

La limitation du pouvoir du parlement à propos de la loi de finances :


La loi de finances est l'un des plus importants exercices parlementaires. Malheureusement, l'article 77 donne au gouvernement le Droit de s'opposer à un amendement parlementaire qui peut réduire les ressources publiques ou entrainer un déficit.

A mon avis, le parlement qui est l'expression du peuple, doit avoir plein pouvoirs sur l'action gouvernementale et surtout au niveau de la loi de finances.

Le gouvernement :


Si le projet de la constitution est validée, il y aura une loi qui interdit à un ministre d'avoir plusieurs casquettes d'élu en même temps, il y aura aussi des cas ou la condition d'un politicien lui interdit d’accéder au poste ministériel.(Art. 87)

Une nécessité afin qu'il n y ai pas de conflits d’intérêts entre Servir le pays et SE SERVIR et abuser du pays.

La justice :


Le Roi préside Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, il nomme directement 5 de ses membres. Par contre 10 autres membres sont élus par les magistrats (Art. 115).

Une composition qui va en faveur des magistrats et de leurs élus.

Cour Constitutionnelle :


Le Roi nomme la moitié de cette Cour. L'autre moitié est élue par les parlementaires. Le Roi désigne le président qui fait parti de ces membres. (Art. 130)

Un partage des membres qui pouvait être plus équilibré si le président était élu par les membres de la Cour par exemple.

Les citoyens peuvent recourir à la Cour constitutionnelle et c'est là une grande nouveauté de ce texte.

Commentaires :

Faites vous une opinion. Décidez en votre âme et conscience si ces nouveautés, si ce texte mérite qu'on vote Oui ou Non.

Il s'agit de l'avenir de votre pays. Certains, et c'est désolant, ont choisi une lecture rapide d'un texte dont certaines dispositions sont révolutionnaires.

L'état, qui a entre les mains un texte révolutionnaire n'a pas su le présenter convenablement, parfois usant de manières qui décrédibilisent le fond même de ce projet.

Et c'est parce que je ne veux plus voir un état aussi incompétent et c'est parce que ce texte est le début d'une nouvelle ère, une cassure que Je VOTERAI OUI pour un texte qui mérite amplement un 7/10 !


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