dimanche 19 juin 2011

Maroc : Le projet de la constitution vers une Monarchie Absolue ?!


Il y a une question qui cristallise tout l’intérêt qui est porté au projet de la constitution au Maroc : celle des pouvoirs de la Monarchie et de sa relation avec les autres pouvoirs.

Est-ce que dans le texte du projet, nous sommes face à une monarchie absolue, ou devant un modèle de Monarchie Parlementaire ?

Pour cela, on fera une comparaison entre la constitution d'un pays démocratique qui est reconnu comme étant monarchie parlementaire, et le projet de la constitution Marocaine. 

Une comparaison du texte constitutionnel seulement.

Les cases à Gauche sont ceux de la constitution espagnole, ceux de droite, du projet de la constitution Marocaine.

Le statut du Roi :

Le Roi et les lois :

1 : Les exceptions ou le Roi peut décréter comme décisions sans que cela soit signé par le chef du gouvernement. 
Article 41 : ce qui relève du domaine religieux. 
Article 44 Ali. 2 : Le conseil de régence qui gère le royaume en cas ou le futur Roi est encore mineur.
Article 47 Ali. 1 : La nomination du chef du gouvernement cadré par l'obligation que ce dernier soit issu du parti majoritaire dans les élections parlementaires. 
Article 47 Ali. 6 : A la suite de la démission du Chef du Gouvernement, le Roi met fin aux fonctions de l'ensemble du gouvernement.
Article 51 : Dissolution du parlement, cadré par des conditions aussi. 
Article 57 : Le Roi approuve par dahir la nomination des magistrats par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. (On verra comment sont choisis ces magistrats)

Le Roi et le Parlement :

Le Roi et le Gouvernement : 


Et c'est là, la principale différence avec la constitution espagnole : Dans cette dernière, le Roi est convoqué par le président du gouvernement espagnol. Dans le projet Marocain, le conseil se réunit à l'initiative du Roi, tout en pouvant déléguer cela au chef du gouvernement.

Dans les deux cas, le gouvernement n'est effectif qu'après vote de confiance des élus du peuple. Même si le Roi nomme un gouvernement  mais qui ne répond pas aux attentes du parlement, le gouvernement doit-être dissout.



Le Roi et le pouvoir militaire :


Le Roi et le pouvoir judiciaire : 


La principale différence est la présidence du conseil : En Espagne, c'est le président du tribunal suprême lui-même nommé par le Roi.

Au Maroc, Le Roi est le président du conseil, et le président de la Cour de Cassation est le Président-délégué.

La cour constitutionnelle : 



Résumé et commentaires :

En tout, il est évident qu'il y a une grande similarité entre les prérogatives du Roi dans la constitution espagnole et le projet de la constitution Marocaine.

Le Roi espagnol nomme quasiment tout le monde, mais cela est cadré à travers des conditions strictes. Ce qui est le cas aussi pour le projet Marocain.

La nomination du chef du gouvernement en Espagne prend le même processus qu'au Maroc, avec une condition en plus dans le projet Marocain, c'est que le chef du gouvernement soit issu du parti politique gagnant des élections parlementaires.

Les membres du gouvernement sont nommés par le Roi en Espagne et au Maroc après proposition du chef du gouvernement. Et dans tous les cas, le gouvernement n'est effectif qu'après vote de confiance du parlement.

La seule réelle grande différence entre le texte Marocain et Espagnol, c'est la présidence du conseil des ministres. Au Maroc, le Roi est le président, en Espagne, le Roi est convoqué par le chef du gouvernement.

En ce qui concerne la promulgation de la loi, il y a une similarité exacte entre la constitution espagnole et la constitution Marocaine. Dans les deux cas, toutes les décisions du Roi (sous forme de Dahir au Maroc) sont contresignées par le chef du gouvernement. Il y a aussi quelques exceptions ou les Rois peuvent signer une décision sans la faire signer par le chef du gouvernement, et là aussi, c'est cadré dans le texte constitutionnel.

En tout, à une très grande majorité, les prérogatives du Roi en Espagne sont similaires aux prérogatives du Roi dans le projet constitutionnel.

En comparant les textes (et non les pratiques qui en émanent) on est dans du similaire. Alors comment font ces commentateurs pour décrire que le texte entérine la Monarchie absolue alors que l'Espagne est une monarchie parlementaire ?

Certains commentateurs ont pris du projet que les premières phrases en disant que "le Roi nomme" quasiment tout, en justifiant ainsi que le Maroc restera encore dans l'étape de la monarchie absolue.

Réduire tout un ensemble de conditions imposées aux actes du Roi et les éliminer dans une analyse, est une manière réductrice, limite malhonnête. Comme si on disait : ويل للمصلين

Si on réduisait les pouvoirs du Roi au Maroc plus que ce qu'ils sont dans la constitution espagnole (et le projet Marocain), on serait devant un Monarque Marionnette, qui sert pour la forme, qu'on filme pour dire qu'on a un Roi. Une sorte de république maquillée.

 Est-ce que c'est cela que vous désirez ?

N.B : Je reviendrai dans d'autres articles sur la méthodologie de la rédaction de cette constitution, sur les pouvoirs du parlement et bien d'autres choses...