lundi 16 janvier 2012

Allah, Al Watan, Ach3ab Ou bien Allah, Al Watan, Al Malik ? Et retour sur l'affaire Mouad El Haked.


La symbolique politique/nationale/communautaire n'a pas disparu, et elle ne disparaitra probablement jamais.

Au Maroc, comme partout ailleurs, porter atteinte aux symboles est une forme d'expression plus ou moins condamnable.

En France, une photo montrant une personne entrain d'essuyer les fesses avec le drapeau tricolore avait fait polémique en France, et une autre affaire a même entrainé une condamnation de la personne ayant commis ce délit. 

Dans plusieurs pays Européens, cette atteinte aux symboles est condamnée par la justice.

Siffler l'hymne nationale Français est un "crime" nationale, mais au Maroc, cela prend d'autres allures avec la Devise : Allah, Al Watan, Al Malik. (Dieu, la Patrie, le Roi).

Durant les derniers mois, et dans plusieurs manifestations du 20 février, on scandait Allah, Al Watan, Achaab (Dieu, la patrie, le peuple).

Dans la devise du Maroc, le mot Patrie, qui vient avant le Roi, regroupe plusieurs composantes, dont la composante du Peuple. Pourquoi alors, remplacer le mot Roi, par le mot Peuple alors que ce mot figure implicitement dans le mot, Nation ?

Ce détournement de la devise rappelle un peu le discours socialiste, Maoïste et Bolchévique. Des mouvements profondément républicains et anti-Monarchistes.

Ces mêmes groupements ont aussi un principe d'opposition avec la "bourgeoisie" et ils s'auto-déclarent comme étant le "Acha3b" "peuple" dont la définition correspond plus au "prolétariat" (un terme marxiste désignant la population pauvre comme le décrivent certains auteurs contemporains).

Nous connaissons tous la fin du rêve communiste qui n'a pas hésité à utiliser la propagande -et parfois la violence- pour véhiculer ses idées.

Aujourd'hui, la propagande s'est démocratisée : avant, les outils de la propagande étaient aux mains exclusives de l'état. Maintenant, même les groupements d'extrême gauche s'y adonnent.

Avant, on était dans une adoration (3ibada) du système, et que c'est LE système idéal, parfait et non critiquable.

Aujourd'hui, on va de plus en plus vers une adoration du mouvement du 20 février, parfait et non critiquable. Celui qui ose le faire sera (comme dans le cas de l'état omnipotent) stigmatisé et catégorisé.

D'ailleurs, dans son édito de cette semaine sur Telquel, Karim Boukhari décrit les jeunes du 20 février comme "la fierté de ce pays et la seule clé pour “ouvrir le Maroc et le rendre meilleur".
La seule ? Un exclusivisme qui rappelle l'exclusivisme de l'époque Hassanienne :  Arriyadi Al2awal...

Tout ce qui est bon ne peut émaner que de... (et remplacez les pointillés par quel groupement vous adhérez le plus).

Dans les deux cas, nous sommes dans la bêtise.

La seule différence entre l'état propagandiste et les groupements propagandistes c'est la légitimité et  l'usage de la force armée. L'état a les moyens de réprimer physiquement (prisons, tribunaux...), les groupements l'ont rarement.

On ne peut parler de cette modification de la devise nationale sans parler de Mouad El Haked, le rappeur qui était poursuivi dans une affaire rocambolesque.

Ce rappeur a été poursuivi dans une affaire d'agression physique contre un jeune homme. Etait-ce une banale poursuite judiciaire ou autre chose ?

Des poursuites pour agressions physiques ? Il y en a chaque jour dans les tribunaux du Maroc. Mais à ma connaissance, aucune affaire d'agression n'a connu une audience qui durait de 19h à 6h du Matin.

L'état s'est exprimé ainsi avec l'un de ses outils, la justice, et il l'a fait d'une manière injuste ce qui réduit sa crédibilité.

D'un autre coté, les chansons de Mouad (du mouvement du 20 février) sont clairement "prolétaires" avec les concepts du "peuple", qui s'oppose à la bourgeoisie (nommée Fassa ou Fassis originaires de Fes) montrant parfois un mépris pour ce "peuple" qui doit se réveiller.

La chansonnette pouvait s'arrêter là et relever de la liberté d'expression. Sauf que non, ses chansons comportent de la diffamation contre la personne du Roi avec des accusations de vol et de "paupérisation" du peuple.

Traiter quelqu'un de voleur ? il faut en apporter les preuves ou tomber dans la diffamation, d'autant plus que cette personne est le roi, arbitre du jeu.

La liberté d'expression a des limites. La diffamation en est une. Que Mouad soit poursuivi pour cela dans le cadre de la loi, le 20 février le soutiendra toujours, mais dans ce cas, le 20 février serait dans l'incohérence la plus totale.

Nous avons besoin d'un 20 février, de partis politiques, de société civile qui critiquent et proposent, mais nous avons aussi besoin d'un état Juste et fort. Chacun dans son camp, mais dans le respect s'il vous plait.

Et Allah, Al Watan, Al Malik jusqu'au jour ou le peuple, par voie démocratique et référendaire en jugera autrement.