vendredi 6 mai 2011

Le Tsunami Blanc qui a frappé Rabat et qui va nous frapper. Ce que vous ne savez pas sur les médecins au Maroc.

Le Tsunami Blanc hier à Rabat, plus de photos en bas  (Photos : Mehdi Bennaceri)
Hier, et enfin, des milliers de jeunes médecins sont sortis contre l'injustice dans la quelle ils vivent. Ils sont sorti par milliers briser l'omérta qui règne dans ce système de mal-santé. Enfin !

La dignité, un mot que ne connaissent pas ces médecins. Et je le sais bien, je suis moi-même médecin qui a fait ses études au Maroc, mon pays.

Connaissez-vous la ministre qui refuse d'appliquer 32 jugements donnés au nom du Roi ? Savez-vous qui a été condamné à payer 1000 Dhs par jour de retard par dossier (et ils sont une centaines) ?

Cette superwonam, plus forte que les tribunaux, plus forte que 32 jugements donnés au nom du Roi n'est autre que Yasmina Badou.

Ces 1000 Dhs d'amende, ce n'est pas Madame la Ministre qui va les débourser de sa poche, mais c'est au ministère de le faire : C'est l'argent du contribuable qui servira à payer l'entêtement d'une ministre.

Savez-vous qu'un médecin qui a le doctorat en médecine dans une faculté Marocaine est reconnu comme ayant un... Master ? Alors qu'un infirmer qui a fait 3 ans d'études a un échelle plus élevé qu'un médecin qui a fait au moins 8 ans d'études après le bac ?

Savez-vous dans quelles conditions sont formés et travaillent les médecins ?

Après l'obtention du doctorat de médecin généraliste, il faut passer un concours que l'on appelle le résidanat pour postuler dans un poste de formation de spécialiste.

Ces postes sont en majorité contractuelle, et donc, le médecin signe un contrat qui l'oblige après ses 5 ans de formation de spécialiste (ce qui fait, 8+5 = Bac + 13) de travailler pendant 8 ans de plus avec l'état. (ce qui fait Bac + 13 + 8 = ce qui fait bezzafffffff)

Et si seulement l'état avait des hopitaux. Ces "hopitaux" relèvent plus d'un batiment ou on donne l'impression de faire quelque chose.

J'ai travaillé durant 6 mois dans un centre "médical" -LoL- à Hay Mohammedi -Casablanca-. Très peu de médicaments (qui étaient souvent des dons américains), je n'avais rien pour traiter les trentaines de malades qui venaient chaque jour au centre.

Croyez-moi, cela relevait plus du foutage de gueule que du travail médical. Je n'avais rien, comment vais-je traiter un malade démuni ? Avec de la magie noire ? Ou des abracadabra ?

La santé au Maroc, est un mensonge d'état que je regardais de mes propres yeux : l'infirmier major qui était avec moi au centre, devait tenir des statistiques : une fois je les ai lu, je lui ai dit : Nta kéddab.

Il m'a répondu, wa rah c'est le ministère qui nous impose de réaliser ces chiffres.

Et c'est ces chiffres là que va lire la ministre devant le parlement.

Je suis monté voir le délégué du ministère et je lui ai dit deux mots qu'il ne risque pas d'oublier. Je pouvais être courageux car j'avais assuré mes arrières : j'avais créé un petit business en fin de journée qui me permettait de survivre.

Savez-vous combien je gagnais par mois en faisant l'hypocrite, traitant les malades Marocains avec de l'eau et des Youyous (lma Ou Zgharite) ? J'étais à l'époque FFI (ou psuedo-Interne) : 600 Dhs/mois.

Oui 600 Dhs, et je devais aussi faire des gardes, des gardes de 48 heures aux urgences de l’hôpital Mohamed V et plusieurs fois par mois.

Les urgences à Hay Mohamadi c'est comme travailler en temps de guerre : peu de matériel, peu de personnel, et beaucoup de blessés : les bagarres, les accidents de la voix publique...

Les médecins qui étaient contractuels -ceux qui sont officiellement employés du ministère de la santé-, enchainaient les certificats (CML : certificats médico-légaux, qui passent au tribunal) émanant un paiement ou bakchich ou nommez-le comme vous le voulez.

Chacun justifie la chose à sa manière, mais c'est loin d'être éthique ou légal.

Après 24h de garde et la nourriture infecte de l’hôpital, c'est toi, le médecin qui devient un cas urgent. Mais qui prendra soin de toi ?

Biensur, les rares fois ou le matériel de radiologie fonctionnait, il fallait se prendre en photo avec : c'est aussi rare que de voir midi à quatorze heures.

Ne parlons pas de la formation de spécialité. Les vrais chefs de service de médecine ont quitté avec le saignement à blanc du départ volontaire : à part quelques rares cas, les profs qui forment les médecins d'aujourd'hui ont été formés à la cocotte minute et à la "bakk sa7bi".

Ils ne donnent rien aux médecins en formation, puisqu'eux même n'ont pas grand chose à donner.

A la militaire, les jeunes médecins en formation font aussi le travail de l'infirmière (puisque en sous effectif) si elles ne font pas le thé pour le petit déjeuner à 10h30 ou elles dorment pas pour récupérer de la garde hier en clinique privé.

Ah oui, j'ai oublié, et tout cela, et si un médecin tombe malade : Il a Dieu pour prendre soin de lui puisque les médecins en formation n'ont pas couverture médical : le fameux adage : Guézzar ou m3achi b leffte (boucher qui dine au navet).

Si le ministère comme a fait Madame Badou, décide de t'envoyer dans un petit patelin après avoir distribué les postes de proximité à ses proches, les médecins y vont sans problèmes.

Mais... en faisant le déplacement à Al Houceima par exemple et son domicile familiale est à Settat (oui, un médecin a le droit aussi d'avoir une famille) : le médecin doit débourser de sa poche tous les frais de déplacement et avec son salaire de 7000 Dhs/mois, il doit faire le choix entre rentrer voir (et faire son devoir conjugal) sa femme et ses enfants, économiser l'argent du déplacement ou devenir Rchaywi et prendre du bakchich pour renflouer ses caisses.

Ah oui, et si il fait une garde, il est payé 2 Dhs/heure si il est généraliste et 4/heure si il est spécialiste.

Que l'on me sorte que la médecine est métier noble, je veux bien, mais sachez qu'il n y a pas de noblesse quand on a faim ou on n'a pas de quoi vivre.

Le patient, le malheureux, le damné et le malchanceux patient qui tombe malade et se dirige vers l’hôpital est la plus grande victime dans l'histoire.

Le pauvre, souvent, analphabète qui ne sait pas de quel malheur il est frappé, vient à l’hôpital se faire guérir. Il retrouve que TOUT est PAYANT.

A part les accouchements, on paie pour tout, même lfassma (le pansement).

Et même si tu as une urgence, t'as le crane fracassé, tu pisses le sang de partout... Tu paies l Din Mouk... ça t'apprendra la prochaine fois de tomber malade, sale 3roubi de ta race.

Il rentre, c'est la file. Ben oui, t'es pas le seul à avoir le crane fracassé, y en a d autres et y a que deux médecins, deux infirmiers...

Si il a de la chance, on aura un peu de fil qui reste, sinon, il va devoir l'acheter : la prochaine fois que vous vous faites fracasser la tête, prévoyez du fil pour sutures sinon vous devrez sortir l'acheter le soir en week-end à Hay Mohammadi.

Au fait, l'exercice de la médecine dans le publique est une forme de crime morale envers les patients. Les médecins sont victimes du système du ministère et soit, ils cèdent et ils deviennent corrompu et alcoolos des fois, soit ils sont contre et il doivent faire un autre boulot.

Biensur, après la fin de ces bac+21, normalement le médecin spécialiste a le droit de quitter le public pour travailler au privé, sauf que madame Badou ne veut plus les laisser partir et leur interdit tacitement de survivre ailleurs.

J'ai fait le choix de plus rester dans ce système. Je n'en ai jamais parlé. Et ne croyez pas que vous allez lire cela dans un journal : cela ne peut vous être raconté que par un médecin

J'allais devenir aussi le monstre du système, j'ai refusé. Ces milliers de médecins qui sont sortis hier et qui seront prêt à tout me redonnent le souffle : Enfin, ils ont osé parler.

Tiens, regardez les, regardez leurs visages : wallah, ils sont pas des monstres comme le montre la propagande.